Programme
18 août, 20h30 : récital de chant
Sylvie Bedouelle (mezzo-soprano) – Viviane Bruneau-Shen (piano),
avec la participation de Gabriel Hakoune (ténor)
Airs et duos de Mozart, Rossini, Gounod, Bizet, Strauss, Satie, Tosti, Bixio, Offenbach, Loewe, Kern, Bernstein.
19 août, 20h30 : récital de piano
« Vienne la nuit, sonne l’heure » : récital de Viviane Bruneau-Shen (piano et cithare guzheng)
20 août, 20h30 : DuoMagica, Voyage musical de Venise à Prague
Karine Lethiec, alto – Aude Giuliano, accordéon
Pièces de Scarlatti, Schubert, Dvorak, Maratka, Sibelius, Bartók…
21 août, 16h30 : jazz, traditions et créations : François Salque et le Sam Strouk Gipsy Trio
François Salque, violoncelle – Samuel Strouk, guitare – Adrien Moignard, guitare – Jérémy Arranger, contrebasse
Compte-rendu du festival 2016
Des notes, des rythmes, des voix et des peuples
Lyrique, mystique, dépaysant ou jazzy et manouche: encore et toujours les Musiques d’un siècle (et des siècles) pour un nouveau et septième festival de trois soirées et une après-midi, en l’église de Bougue. Les mélomanes ont apprécié…
Jean-François Moulian
Duos d’amour. – Les habitués du festival Musiques à Bougue ont retrouvé avec un très grand plaisir la mezzo-soprano Sylvie Bedouelle qui avait ouvert le tout premier festival, sept étés plus tôt. La chanteuse paraît vraiment au sommet de son art, tant par sa puissance vocale (évitez les verres en cristal !), que par les vibrations et les couleurs de sa voix qui transmettent toutes les nuances des émotions avec, en sus, le jeu scénique qui font véritablement de l’opéra un spectacle vivant et toujours bien vivant…
La cantatrice, splendide dans un fourreau lamé argent, avait attiré dans son sillage un jeune ténor, Gabriel Hakoune, indiscutablement promis à un bel avenir. Ils nous offrirent de splendides duos d’amour, dans toutes les affres de la passion de Don Giovanni jusqu’à West Side Story au gré d’une soirée à la fois pédagogique inspirée et éclectique avec deux parties : la première consacrée à l’opéra et au bel canto, la seconde aux mélodies françaises, à l’opérette et à la comédie musicale. Au deuxième rappel : un superbe cadeau de Gabriel Hakoune avec un chant hébraïque d’une profonde et grave beauté. Le tout superbement accompagné au piano par Viviane Bruneau-Shen, dont les tenues rituelles ( ?) de l’ordre des Vierges consacrées ont visiblement franchi les différents stades de l’élévation spirituelle de l’artiste.
Méditation transcendantale. _ Avec son phrasé toujours aussi fluide et inspiré par un au-delà aux confins des cultures chinoise et occidentale et qui guide ses doigts interminables, Viviane Bruneau-Shen récidivait, cette année encore, avant un congé sabbatique (de Bougue) annoncé pour le festival 2017. Cette deuxième soirée fut une ininterrompue et poétique méditation sur le temps, du couchant au levant, les heures qui passent et qu’égraine la cloche. « Vienne la nuit, sonne l’heure ». Une heure de concert sans trêve, s’écoulant comme le sable du sablier. Les spectateurs étaient priés de ne point applaudir, afin de ne pas nuire à une mise en scène et en écoute ritualisée.
Une démarche artistique, musicale et une quête spirituelle du voile mauve de la Passion au voile blanc de l’aube et passant par le voile noir de la nuit, creuset d’un croisement des cultures : Schubert, Liszt, Chopin, Debussy (« Et la lune descend sur le temple »), les Nocturnes de Bartók, Gaspard de la Nuit (de « Ondine ») de Ravel, le Chant de l’aube de Robert Schuman… Mais aussi à la cithare chinoise, ce « guzheng » dont on joue en se scotchant des griffes au bout des doigts, avec plusieurs pièces de la tradition chinoise « Lune du haut du ciel », « Pluie nocturne sur les volets de bambous » ou une plus récente « Aube de printemps sur les monts enneigés » sur la base de la tradition tibétaine. Pour le rappel : l’aria des Variations de Goldberg de J.-S. Bach, dont Viviane Bruneau-Shen assura que « c’est la musique de l’éternité ». On peut lui faire confiance.
Lorsque l’alto rencontre l’accordéon. Un voyage musical de Venise (d’abord, avec ce grand voyageur que fut Scarlatti) jusqu’à Prague dans le sillage de Dvorak, Sibelius, Bartók. De l’appropriation par la musique « classique » des musiques populaires, des musiques du Monde. C’est ce, qu’avec une pédagogie confirmée et sensible, circulant avec son violon alto, parmi le public, fit partager Karine Lethiec lors du concert du samedi.
Cette soirée était celle de la rencontre du violon alto de l’artiste et de l’accordéon de concert d’Aude Giuliano dont les musiques de l’Est, jusqu’à l’Asie centrale irriguent les veines. Elle joue de tous les registres de son instrument qui doit en avoir autant que le grand orgue de la cathédrale de Paris. C’est ce que l’on entendit notamment lors d’une fantaisie, récrivant du Brel à la façon de Jean-Sébastien Bach. Impressionnant ! Les festivaliers avaient découvert l’accordéoniste virtuose en 2014 et les retrouvailles furent chaleureuses.
Cette soirée de dépaysements qui nous en fit voir de toutes les couleurs musicales comportait aussi (pour beaucoup) une belle découverte : celle du violoniste et compositeur français Lucien Durosoir. Etait présent à ce concert son fils, Luc, qui demeure à Bélus. C’est, en effet, dans le village landais que son père acheva de composer une œuvre majeure, lui dont la Grande Guerre avait interrompu la carrière. Mais c’est dans les tranchées que le violoniste avait fondé un groupe musical ; ce qui, affirmait-il, lui sauva la vie.
François Salque sur les nuages de Django.- Jazz, jazz manouche et plus, puisqu’affinités. Très belle après-midi que celle du dimanche de clôture avec un public qui emplissait (enfin…) l’église. Le maire, Christian Cenet, l’annonça dès l’ouverture : il y aura en 2017 une huitième édition de Musiques à Bougue, intégrée à la programmation de « Marsan sur Scènes ». La maire de Mont-de-Marsan et présidente de l’agglomération était d’ailleurs parmi l’assistance, « incognito »… enfin presque !
Pour ce dernier concert le public retrouvait avec un plaisir non dissimulé le « patron », créateur et programmateur du festival, le violoncelliste international François Salque. Il vint rejoindre sur scène le Sam Strouck Gipsy Trio, composé de deux guitaristes qui ont le jazz manouche dans la peau et sous les doigts : Samuel Strouk, déjà apprécié à Bougue, interprète et plus encore compositeur est capable d’improvisations fulgurantes, comme il en fit démonstration. Son compère à la guitare qui a bu le lait de Django Reinhardt s’alimente aussi aux sources rock et blues. Il offrit d’impressionnants soli, tout de maîtrise, de sensibilité et de créativité, le troisième larron est le contrebassiste Jérémie Arranger, lui aussi emblématique du jazz manouche.
Certes il fallait ce temps de rêve porté par « Nuages », mais la suite fut moins attendue avec des compositions originales, des standards revisités, des rythmes tziganes et des variations sur de grands thèmes classiques d’Europe centrale. Les envolées de l’archer de François Salque firent passer un souffle puissant dans la petite église et des frissons dans l’assistance qui en redemanda.
L’on se donna donc rendez-vous pour l’été prochain, autour du verre de l’amitié offert par la municipalité au Foyer Michel Aïnaga.
Retour en images…